La Petite Terrasse
Réalisation
Catherine Bastide a fait l’acquisition d’une grande maison située Traverse Sainte Hélène, juste au dessus de Malmousque. Ancienne galeriste, curatrice émérite, personnalité atypique dans la scène de l’art contemporain, Catherine voulait ouvrir un lieu à l’image de son parcours. Nouvelle arrivante à Marseille, elle s’est entourée de plusieurs entités choisies pour penser ce projet, dont notre association. Ainsi est née La Traverse, une « maison-outil » dont les fonctions son réparties sur trois étages.
Au rez de chaussée : Un grand espace et une cour accueillant expositions, banquets, réceptions, conférences et résidences curatoriales.
Au premier étage : le lieu de vie de l’habitante, annexé aux besoins éventuels des évènements.
Au deuxième étage : Une grande pièce mansardée et son balcon deviennent une chambre d’hôtes, destinée aux invités du programme ou louée. C’est dans cet espace que nous sommes intervenus.
Nous avons entièrement meublé cette pièce à vivre. Son fonctionnement devait pouvoir être indépendant du reste de la maison, donc (en complément des toilettes et de la salle d’eau existants), l’aménagement s’est organisé autour de 7 postes, : une porte, une cuisine, un lit, une servante de lit, un bureau-table, une bibliothèque et un dressing. En résonance avec l’adaptativité du lieu, nous voulions permettre un agencement modulable de nos créations : le lit, la servante, le bureau et une partie de la cuisine ont été montés sur des roulettes à freins. Ainsi le bureau peut devenir table d’extérieur sur le balcon, la servante peut l’accompagner comme support en intérieur, et il est possible de cuisiner en regardant la mer. Cette modularité multipliant les fonctions se retrouve aussi dans un système de 4 plateaux de même formats, interchangeables selon les meubles : une planche de découpe, un vide-poche, un sous-main d’écriture et un échiquier. La porte d’entrée a été pensée en collaboration avec l’artiste Ludivine Venet : une gravure de sa création orne le verre feuilleté. Le nom trouvé pour ce nouvel écrin vient affirmer son autonomie et s’inscrire dans l’histoire populaire du quartier : La Petite Terrasse.
Matériaux
Porte, dormant et imposte :
Structure en châtaigner massif, parcloses en padouk (chutes d’un plancher de terrasse), plaques de poignées en azobé (taquades du chantier naval), poignées (portes anciennes), vitrage en verre feuilleté gravé à la main par Ludivine Venet.
Cuisine :
Structures en tubes d’acier (canalisations d’anciens chauffages), treillis électro-soudés, tôles perforées, peinture marine. Évier en polyéthylène (partie émergée des bouées jaunes de signalisation maritime) avec filtre en inox perçé d’un motif. Plan de travail en carreaux de grès cérame (carrelage des paquebots de La Méridionale) et en azobé massif (taquades du chantier naval). Tiroir en acier avec façades en azobé. Étagère en peuplier (taquades du chantier naval). Planche de découpe en hêtre et châtaigner. Porte-couteaux et porte-bouteilles en azobé.
Lit :
Structure en acier et tôle perforée adaptée à un sommier existant, cadre de lit en azobé. Tête de lit en tubes d’acier et pin massif (pare-battage de cargo), agrémentée d’un coussin tapissé sur mesure (housse façonnée avec les anciens tissus d’intérieurs de la SNCM). Roues modifiées avec prolongements de freins en acier inscrusté d’azobé, peinture marine. Vide-poche en peuplier (taquades du chantier naval).
Servante de lit :
Structure en tube d’acier (canalisations d’anciens chauffages), tôle perforée et azobé. Abat-jour en polyéthylène (partie immergée des bouées jaunes de signalisation maritime). Plateau ajustable en tôle perforée, échiquier en peuplier et azobé, habillage de multiprise en azobé, peinture marine.
Bureau-table :
Structure en peuplier (taquades du chantier naval) et tôle perforée peinte. Façade de tiroir et poignée en azobé, assemblage en queue d’aronde. Plateau avec insert en stratifié imprimé (parois d’ascenseur), trappe avec multiprise embarquée et sous-main réversible (un côté cuir pour l’écriture et un côté stratifié pour la table).
Bibliothèques en coursives :
Assemblage en peuplier (taquades du chantier naval).
Dressing :
Cache de climatiseur et étagères en tôle perforée, rappels d’azobé, tringle en tube d’acier (canalisations d’anciens chauffages), peinture marine.
Atelier
La conception a été élaborée ensemble. De manière collégiale, chacun a amené ses idées, ses expériences respectives en terme d’optimisation et de faisabilité au constat de notre matériauthèque.
Les meubles ont été fabriqués à l’atelier sur la digue. Pré-assemblés, ils ont été ensuite démontés pour être enfin tablettés et posés sur place.
Après récupération des tins, les sections d’azobé et de peuplier sont séparées, et décloutées. Le peuplier est débité et déligné en planches pour la bibliothèque et le bureau. L’azobé également, il constituera une partie du plateau de la cuisine. Poncé, brossé voire sculpté, il servira aussi pour des habillages plus ponctuels répartis entres les différents meubles. Certains bois comme le châtaigner sont neufs car leur prospection en vue d’un réemploi est hors de notre portée. Une paroi d’ascenseur est découpée à la forme et intégrée dans la table, en vue d’une surface lessivable.
Les « pavex », plateaux interchangeables (décrits dans le premier paragraphe), deviennent des terrains d’expérimentation pour le mariage des différentes essences de bois. Des pieds tournés viendront supporter l’extrémité de la bibliothèque en angle.
Les tubes de chauffages sont décapés, sectionnés puis coudés pour former des pieds, la structure de la tête de lit, l’axe de la desserte et la tringle. Les formes organiques des tôles et des platines ont été découpées au laser puis soudées à l’arc. Des fers ronds viennent adoucir leirs arêtes. De vieux roulements à billes ont fait émerger l’idée d’un grand tiroir métallique orné de bois, placé sous le plan de travail de la cuisine.
Une « bouée des 300m » est nettoyée, découpée et vidée. La partie basse, conique, deviendra un abat-jour, l’autre partie, sphérique, sera un évier. Des cerclages en inox sont frappés sur chaque élément plastique. Notre raie symbolique est creusé dans le bois de la planche de découpe, ou percé dans le filtre d’évacuation.
Après cassage des arêtes, ponçages fins et ajustements finaux, les boiseries sont vernies. Le métal est meulé puis dégraissé. Il est ensuite peint d’un blanc assorti au sol carrelé, à l’aide d’une épaisse peinture marine, celle qui habille habituellement les coques des cargos de notre rade.